Un petit avant-propos s’impose. Pour
replacer ce texte dans son contexte, sachez qu’il est devenu habituel qu’en
tant que président du C-paje, je sois amené à intervenir en clôture d’Espèces
D’Animateurs avec un écrit réalisé en cours d’après-midi. Texte qui a dès lors
les vertus du rédigé à chaud et in situ et les limites du pas maturé, du très
inégalement développé et du peu relu. Cette année, j’ai fait le choix d’une
présentation sous forme dialoguée, occasion dès lors de remercier ici Geneviève
Cabodi qui en a été la co-interprète.
Précisons encore, pour les absents ou les distraits, que l’édition 2014 d’EDA
s’appuyait largement sur la technique du forum ouvert, approche pariant sur
l’intelligence et l’expertise collectives (d’où la mention en début de texte d’un
mensonge qui consisterait à faire
finalement appel à des « experts »).
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L’intervieweuse : Chers participants,
chers spectateurs passifs ou actifs, nous arrivons maintenant au terme de notre
journée. C’est aussi le moment de vous avouer que nous vous avons un peu menti,
mais vous vous en doutiez. Une journée de travail digne de ce nom ne pouvait
évidemment se clôturer sans un panel d’experts. Nous en avons réuni six, et des
plus éminents, qui vont répondre à toutes les questions que vous ne manquez pas
de vous poser… et même à celles que vous ne vous posez pas…
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L’intervieweuse : Professeur Paribas
Fortiche, pour vous, tout cela est économique.
Le Professeur Paribas Fortiche : C’est
cela, oui. C’est une loi naturelle. Une loi naturelle du marché. Les inégalités
sont motrices, elles génèrent une émulsion centrale quant à la dynamique
économique. Moins de pauvres équivaut à moins de riches… et moins de riches
équivaut à moins de prospérité.
L’intervieweuse : Cela semble relever
du bon sens.
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L’intervieweuse : Professeur Mesuré, à
vous entendre, l’équation semble simple à résoudre…
Le Professeur Mesuré : Oui. Tout est
question de calcul. L’égalité ne repose que sur des additions et des
soustractions savamment orchestrées. Ainsi pourrons-nous tabler sur la
multiplication des égalités.
L’intervieweuse : Vous prônez donc une
solution chiffrée.
Le Professeur Mesuré : Les écarts trop
criants neutralisent la dynamique sociale. Il faut créer des ensembles,
regrouper les citoyens par zones de revenus cohérentes. Ainsi, villes,
logements, culture, éducation, loisirs, commerces seront adaptés aux attentes
et au niveau de la population environnante. Et ainsi, l’égalité quittera le
satut d’abstraction pour se transformer en hypothèse vérifiable.
L’intervieweuse : Et 2 et 2 font
4 !
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L’intervieweuse : Professeur Stand-By,
vous pensez-vous qu’il n’y a rien à changer…
Le Professeur Stand-By : Ce qui est
inaccessible est hors d’atteinte. La différence est indifférente. Le désir de
possession est dépossession du désir. Trop d’avancée n’est qu’un nouveau recul.
Qui trop embrase mal consume. Qui ne perd rien n’y gagne pas. Chacun doit
assumer sa petitesse pour atteindre sa grandeur. Le changement n’est
qu’illusion. L’illusion est l’éphémère de tous les vices.
L’intervieweuse : Manifestement, tout
cela est profondément pensé.
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L’intervieweuse : Professeur
Nagasaqueux, vous êtes vous plutôt partisan d’une solution radicale ?
Le Professeur Nagasaqueux : De
plusieurs solutions, plusieurs, Madame.
L’intervieweuse : Plusieurs, d’accord,
mais qui ont toutes en commun une certaine teneur explosive.
Le Professeur Nagasaqueux : Oui, sans
doute cela fera-t-il l’effet d’une bombe, mais la survie est à ce prix.
L’intervieweuse : Déployez pour nous
votre approche…
Le Professeur Nagasaqueux : Ma
première solution apparaît comme la plus énergétiquement rentable. Les pauvres
sont en général d’une faible qualité nutritive… mais ils sont présents en
grande quantité. On pourrait donc les valider en tant que ressource alimentaire
disponible à moindre coût et ainsi leur donner une seconde utilité. Vous vous
L’intervieweuse : Vous vous attaquez à
un véritable tabou.
Le Professeur Nagasaqueux : Nous nous
apprêtons déjà à consommer des insectes… Pourquoi ne pas consommer nos
pauvres ? Dans les deux cas, nous pouvons concevoir des techniques de
transformation adéquates et nous évitons ainsi une prolifération ingérable.
D’une pierre deux coups.
L’intervieweuse : Vous préconisez
aussi une autre approche ?
Le Professeur Nagasaqueux : Oui, c’est
une approche un peu spatiale…
L’intervieweuse : Spéciale,
dites-vous ?
Le Professeur Nagasaqueux : Non !
Spatiale.
L’intervieweuse : Ah bon ? C’est
un peu nébuleux.
Le Professeur Nagasaqueux : Pas du
tout ! Il s’agit tout simplement d’utiliser nos avancées spatiales pour
affréter des fusées charters et larguer les indésirables dans l’espace.
L’intervieweuse : C’est tout de même
problématique…
Le Professeur Nagasaqueux : Oui !
D’un point de vue énergétique essentiellement. Le recours aux fusées est assez
coûteux en carburant… Mais évidemment, le manque à gagner serait compensé par
les économies sur le plan de la sécurité sociale. Il faut aussi être attentif à
l’impact écologique sur la stratosphère. Il serait bien malheureux de générer
un nouveau problème en pensant une solution.
L’intervieweuse : on n’est jamais trop
prudent.
Le Professeur Nagasaqueux : il ne faut
pas mettre le feu aux poudres inutilement.
L’intervieweuse : Je vous remercie.
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L’intervieweuse : Professeur
Ecover , vous êtes le fervent partisan d’un retour aux sources.
Le Professeur Ecover :
Fondamentalement. L’égalité doit se considérer sur un plan global, non
seulement du point de vue humain mais également en accord avec le règne animal,
végétal.
L’intervieweuse : Et minéral sans
doutes ? (il fronce les sourcils) Serait-ce exagéré ?
Le Professeur Ecover : je ne vous
jette pas la pierre. Mais, il faut, lentement mais sûrement, retisser la toile
du vivant. Déhiérarchiser nos catégories au profit d’une harmonie naturelle.
L’intervieweuse : Vous êtes conscient
qu’il n’y aura pas assez de place pour tout le monde ?
Le Professeur Ecover : La sélection
naturelle, Mademoiselle, la sélection naturelle.
L’intervieweuse : Madame.
Le Professeur Ecover : Excusez-moi.
L’intervieweuse : Je vous en prie,
vous ne pouviez pas savoir…
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L’intervieweuse : Professeur
Sens
Le Professeur Sens : Euh, vous pouvez
m’appeler René.
L’intervieweuse : J’aimerais que vous
nous ameniez à une conclusion…
Le Professeur Sens : Euh, oui… Ce
serait peut-être un brin prétentieux.
L’intervieweuse : Ne vous sous-estimez
pas, René !
Le Professeur Sens : Je serais tenté
de dire qu’il n’y a aucune solution aux questions de l’inégalité ou de
l’injustice sociale.
L’intervieweuse : Vous voilà fort
pessimiste.
Le Professeur Sens : Ce n’est pas un
choix. Il faut simplement constater qu’il y a peu de chances que des solutions
émergent là où il n’y a pas de volonté de changement.
L’intervieweuse : Cette volonté a
pourtant été maintes fois affirmée par la communauté des nations.
Le Professeur Sens : C’est
essentiellement une volonté de façade. Et puis, le pouvoir appartient de moins
en moins à la sphère politique.
L’intervieweuse : Vous enfoncez des
portes ouvertes, René !
Le Professeur Sens : Je constate
simplement que l’inégalité est un pilier de notre modèle sociétal et est le
garant majeur de l’équilibre mondial.
L’intervieweuse : Vous reconnaissez
donc qu’il y a un équilibre ?
Le Professeur Sens : Oui, un équilibre
où la force des nantis se nourrit de la faiblesse du plus grand nombre.
L’intervieweuse : Selon vous, les
choses sont donc sans espoir ?
Le Professeur Sens : Pas totalement.
Le degré de déséquilibre atteint de tels excès que nous sommes en droit de
penser qu’il est proche du point de rupture. En outre, à force de rendre la
logique économique à un très grand nombre de citoyens, on peut gager que sont
en train d’émerger des valeurs parallèles qui sont autant de trésors pour
l’humanité en devenir…
Je ne sais pas si c’est la conclusion que vous attendiez… ?
L’intervieweuse: Euh… Je ne sais pas non
plus…
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L’intervieweuse : Je vous remercie
tous les six pour votre participation et vous cher public pour l’attention
consacrée à ce sujet crucial.
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